Le cycle Bormelien - L'otarie secrétaire

Nouvelle rubrique, créée spécialement pour cet article en fait, mais celui-ci, je l'espère sera bientôt suivi par d'autres plus intéressants. Aujourd'hui, aux alentours de cinq heures, je me suis fait surprendre dans mon bain par la sonnerie du téléphone. Bon, vous allez dire : c'est normal, c'est toujours quand on est dans son bain que le téléphone sonne, que la grande soeur (ou le grand frère) amène des copains à la maison ou que maman (ou papa) décide de venir prendre un verre avec des collègues...

Mais bon, moi ça ne m'arrive pas si souvent de prendre un bain, seulement un par mois, le reste du temps c'est douche ou toilette de chat (on est écolo ou on ne l'est pas... à ce propos je me réjouis d'avoir enfin mon mac à installer sous Linux, mais ça c'est une autre histoire). Bref, d'autre part, j'ai horreur de me chouchouter, l'épilateur électrique de ma soeur est une torture à laquelle je me plie le moins souvent possible et j'ai toutes les peines du monde à faire partir la crème des masques qu'elle s'obstine à m'acheter. Mais ce soir, je n'avais pas le choix: le mois de novembre se termine doucement, je n'avais toujours pas pris mon bain mensuel et pas une soirée de libre pendant les deux prochaines semaines... d'autant plus que demain c'est mardi (vous vous en foutez mais moi pas et j'ai mes raisons). Bref, je me suis donc préparé à cet instant de douceur du mieux que je le pouvais et quand j'ai tourné le robinet d'eau chaude... miracle : c'était vraiment de l'eau chaude qui en sortait (il faut savoir que nous avons des problèmes d'eau chaude, la chaufferie tombe en panne tous les trois mois), dommage, elle était grisâtre... Mais j'avais vraiment besoin de ce bain : je m'étais déjà dévêtue et avait offert mes papattes au monstre arracheur de poils, et en plus, je commençais à en avoir envie de ce bain, et il n'y a rien de plus affreux que de ne pas avoir un moment de détente alors qu'on avait compté dessus (tout le monde me comprend j'espère)

Alors j'ai pioché sur le rebord de la baignoire des grosses pastilles bleues que j'ai lancé dans la baignoire grise et qui ont fait "pshhhhh" avec une petite mousse bleu qui sentait bon... doucement, j'ai plongé une papatte dans l'eau chaude (40° minimum, c'est pas bon pour la peau mais au point où j'en suis je m'en fous), puis une deuxième papatte, j'ai attaché mes cheveux avec une pince sur le haut de mon crâne et je me suis couché avec bonheur dans cette eau brûlante....

J'avais bien passé dix minutes à barboter quand le téléphone (que j'adore d'ordinaire, c'est presque toujours pour moi ou pour ma maman) s'est mit à sonner... Je n'ai pas bougé, à cinq coups ça m'a énervé, à dix (les gens sont patients par chez moi) j'ai jailli hors de mon bain (telle l'otarie mouillée qu'est petite chérie dans "qui c'est ce garçon" par Nicole de Buron) et me suis ruée sur l'appareil.

"Ben c'est pas trop tôt" a dit la voix d'une râleuse que je ne connais que trop bien, "C'est Madame Z ?"
" Non c'est sa fille !" Ai-je répondu en m'enveloppant dans le peignoir que j'avais arraché de la porte de la salle de bain de peur que les voisins d'en face (à leur fenêtre jour et nuit, de vrais espions de la NASA) ne rigolent en voyant la pauvre otarie que j'étais pendue à son téléphone.
"Ah !" J'adore les gens qui me font comprendre par ce simple "Ah" que je les emmerde de ne pas être ma mère et qu'enfin elle pourrait tout de même être là. "Vous lui direz que je peux pas venir ce soir à la séance"
"Mais bien sûr" Ai-je répondu en jurant intérieurement.

Pas de nom, pas d'adresse, pas de numéro de téléphone, les gens doivent se croire dans une agence de renseignements ici, heureusement, je connaissais la râleuse et pourrai dire fièrement à ma maman que Madame C (comme chiante) a appelé, quand elle rentrera ce soir et qu'elle aura dix minutes pour avaler mes filets de truites meunières et mes pommes de terre vapeur entre deux séances...

Quand j'ai posé le téléphone, j'ai regardé derrière moi, et j'ai vu le désastre : j'avais traîné la moitié de ma baignoire derrière moi (pas grave, ç'aura séché quand maman rentrera) et la baignoire elle-même était toujours remplie de la même eau bleue grisâtre, mais à présent froide. Patiemment, je l'ai vidée et lui ai souhaité un bon mois de décembre, jusqu'à ce que je la revoie...